Se former à la facilitation d’ateliers de co-création (Épisode 1)

Un premier rendez-vous raté

Je suis Cécile, designer indépendante à l’atelier Senuba. Tournée vers la conception de supports d’information accessibles au plus grand nombre, mon engagement en faveur de l’inclusion a émergé il y a quelques années, marquant dès lors la nécessité de rencontrer, d’observer et d’écouter les utilisateurs finaux de ces outils informatifs. Dans ce premier volet d’une série introspective, je relate ma première rencontre avec la facilitation d’ateliers de co-création, oscillant entre détermination, doutes et déceptions.

Plan de l’article

Un peu de contexte

Créer des supports de communication adaptés au plus grand nombre, notamment pour les publics dits atypiques, vulnérables, singuliers, marginaux ? Voilà la mission que j’entends mener au quotidien via mon métier de designer social.

En 2022, j’ai réorienté ma pratique de graphiste pour inclure une dimension participative essentielle à cet engagement. Ce parcours vers la facilitation d’ateliers de co-création n’a pas été une mince affaire ! Pétrie de doutes, gênée par mon syndrome de la bonne élève et perdue face au jargon de mon propre secteur d’activité, je ne savais pas par où commencer pour assouvir mon ambition. C’est bien beau cette idée de design collaboratif, mais par où faut-il commencer ? Comment fait-on pour animer devant un groupe ? Quels sont les outils que j’ai à disposition ?

Aujourd’hui, je suis passionnée par cette pratique dont la richesse humaine m’émeut et me surprend tous les jours ; et avec le recul, j’aurais adoré pouvoir lire des témoignages de designers débutant dans l’apprentissage du design participatif.

J’ai voulu combler ce manque à travers cette série de courts récits qui dévoile, en toute transparence, la manière dont je suis devenue facilitatrice d’ateliers. Bonne lecture !

 

Ma première approche de la facilitation d’ateliers

Je sonde les regards de mes camarades de classe et je crois déceler les mêmes interrogations que celles qui agitent ma cervelle en ce troisième jour de formation en facilitation d’ateliers de co-création. On en apprend beaucoup sur le sujet… Mais comment mettre tout ça en place ?! Suis-je la seule à ne pas me sentir capable de proposer des ateliers participatifs à mes clients au sortir de ces vingt-quatre heures de cours ? Mon esprit est embrumé, je confonds la loi de Fitts* et la loi de Hick*, les User Journey Map* et les Empathy Map*. D’ailleurs, à quel moment faut-il les dégainer de ma nouvelle trousse à outils de facilitatrice ?

En sortant de l’école, je masque mon trouble et commence à déambuler sur une avenue parisienne après avoir souhaité une bonne continuation à chaque élève. Perdue dans mes pensées, mes pas me ramènent, sans que je ne m’en aperçoive, dans le quartier que j’ai déserté depuis deux ans.

 

Définitions

  • La loi de Fitts souligne le temps nécessaire pour qu’un internaute accomplisse une tâche au regard de paramètres de taille et de distance. Par exemple, plus un objet est proche et grand, plus il est facile à atteindre avec précision.
  • La loi de Hick stipule que le temps moyen nécessaire à un utilisateur pour prendre une décision augmente avec le nombre de choix possibles.
  • Une User Journey Map (Parcours d’Expérience Utilisateur) représente visuellement le parcours d’un usager à travers une expérience, montrant les étapes, les émotions et les interactions avec un produit ou un service.
  • Une Empathy Map (Carte d’Empathie) permet de visualiser les émotions et les pensées des utilisateurs d’un produit ou d’un service, facilitant une prise en considération empathique de leur expérience.

Une formation pour réorienter mon métier de designer

Cela fait donc deux ans qu’en plus de mon évasion parisienne, j’oriente mon activité de graphiste indépendante vers le design accessible, domaine puissant et essentiel, pourtant méconnu quand il n’est pas piétiné. Puisque la finalité de cette branche du design est la création de solutions en réponse aux handicaps, quoi de plus logique que d’aller à la rencontre des publics concernés ? Je suis frustrée de concevoir des réponses graphiques à partir de bribes d’opinions et d’expériences rapportées qui ne racontent pas le sensible, le corps, le non-dit.

L’accessibilité m’a permis de revenir à la source de mon métier : en tant que designer graphique, et alors que tout mon parcours universitaire et professionnel me le dictait, j’ai arrêté de me concentrer en premier lieu sur l’esthétique des supports de communication. Je parie, désormais et avant tout, sur la création d’outils de communication qui soient accessibles à un maximum de personnes, quelles que soient leurs singularités et situations d’apprentissage.

Portée par la solide ambition de devenir experte en design inclusif, je n’ai pas d’autres options que de questionner, d’écouter, d’entendre ce que les parties prenantes d’un projet de communication ont à dire. Sans cela, l’inclusion, c’est de la poudre aux yeux.

C’est pour ça que je suis retournée à l’école : j’ai besoin de suivre des formations et d’obtenir des certifications pour me sentir légitime à proposer un nouveau service à mes clients. J’arrive rarement comme une fleur en mode “Salut, on va dire que je suis designer ascendante vendeuse de tongs”.

 

Des doutes et de la déception

Les semaines suivant les trois jours de formation, je suis complètement perdue. Je me reproche d’avoir naïvement cru que je pourrais aisément employer mes qualités d’écoute active, d’intuition et d’empathie. La formation m’a, au contraire, démontré que la création participative n’est pas vraiment du côté du sensible : les émotions ne sont pas les atouts d’une facilitatrice puisqu’un atelier doit être prévu, cadré, voire rigide. On doit utiliser tel et tel outil puisqu’ils sont issus de méthodes éprouvées. On est ici dans un processus scientifique : on écoute, mais c’est pour récolter de la donnée, pas pour entrer en lien avec l’autre. 

Je suis dans un état de déception assez franc. Syndrôme de la bonne élève oblige, je me dis que je me suis trompée sur mes ambitions et qu’il va bien falloir que je me mette à bâtir et faciliter des ateliers comme on me l’a appris ; à moins que je ne commence à écouter cette petite voix qui me chante un autre refrain…

Vous est-il arrivé de vous sentir perdu au sortir d’une formation ? Cela vous a-t-il bloqué ? Vous êtes-vous tout de suite lancé dans une pratique assidue pour compenser ? Racontez-moi tout ça en commentaire !


 

Pour aller plus loin dans la co-création

Bien que convaincue par la portée de la méthode, ma première rencontre avec la facilitation a eu le goût amer de la déception. La formation que j’ai suivi a mis en lumière le défi de traduire les connaissances théoriques en actions pratiques, surtout quand on travaille à son compte. Des doutes ont émergé sur l’alignement entre mes aspirations initiales et les méthodes proposées. C’est pourquoi je parlerai, dans le second article de cette série, de l’importance de rester à l’écoute de soi quand on intègre une nouvelle compétence.

L’illustration de couverture a été réalisée à partir de ©Storyset

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